Entre mai 2002 et octobre 2003, l’écrivaine française Adèle O’Longh filme des scènes du paysage urbain environnant, de la fenêtre de son appartement dans le Raval, et les monte en 2006 pour en faire Desde mi ventana. Le spectateur assiste à des tranches de vie qui occupent cet espace limité et compartimenté, la prostitution de femmes africaines du carrer d’en Robador, les jeunes immigrés qui vont sniffer du dissolvant dans le terrain vague issu de la démolition des immeubles environnants, et au fonds, le marché noir qui se tient sur la Plaça Salvador Seguí. Des espaces marginaux, hors-la-loi, à première vue compartimentés mais dans lesquels se produit une circulation secrète. La réalisatrice se sert du zoom de sa caméra vidéo domestique pour suivre ces personnages en silence pendant quelques minutes, laissant au spectateur le soin d’interpréter les images floues qui s’offrent à ses yeux, de donner du sens aux gestes et aux trajectoires de ces individus à peine reconnaissables. De temps à autre, des ralentis, des arrêts sur image, des prises de vues nocturnes, cherchent à extraire le spectateur de cette position de voyeur pour l’inciter à s’interroger sur ce qu’il vient de contempler.
Sergi Ramos Alquezar
Desde mi ventana, l'Avant-scène Cinéma, 2018